Il s’en excuserait presque, mais l’année qui s’achève aura été excellente pour la société de Thibault Nivière. Le chiffre d’affaires de Nivière Subventions et Consulting, dont les bureaux se trouvent rue du Vallon Fleury à Yvetot, s’élevait en 2019 à 200 000 €. Ce montant a été dépassé dès le mois d’août 2020. Rien d’étonnant quand on se penche sur son secteur d’activité : « La recherche de subventions du niveau local au niveau européen. On monte des dossiers pour des projets de relance et de développement d’entreprise, de la TPE aux grandes entreprises. »
Lobbying et exception culturelle
L’Yvetotais est âgé de 29 ans quand il lance son affaire, en 2011. Il travaille alors encore à Paris, à la Caisse des Dépôts et consignations, pour le compte de l’État. « Je voyais beaucoup de fonds non utilisés », se souvient-il. Il se décide alors à franchir le Rubicon : il aidera désormais les entreprises à accéder à ces subventions publiques.
Neuf ans après, il fait toujours figure de pionnier. Président d’une fédération qui regroupe 25 % du métier (la Fédération nationale des Experts en Subventions et sa « cinquantaine d’adhérents »), il juge son activité « encore neuve » au regard « des pays anglo-saxons, de l’Allemagne ou de la Scandinavie », où la profession est établie. « Ça s’appelle du lobbying financier, ou de la communication d’influence. Sans contact en amont avec les décideurs, les chances pour une entreprise de toucher la subvention souhaitée ne sont que de 25 %. » À qualité de dossier égale entre les candidats, s’entend.
Au pays de l’égalitarisme et de l’État protecteur, cela peut choquer. « Peut-être en France, mais pas en Europe, reconnaît le trentenaire. Notre rôle, c’est de cultiver un relationnel avec tous les acteurs : la préfecture, la Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi), la Région, l’Union européenne... »
Un cabinet dans la jungle
L’autre volet majeur de son travail consiste à défricher pour sa clientèle la jungle des aides. Ce n’est pas du luxe, puisqu’il recense 4 447 subventions en France, et « plus de 400 en Europe. » Sans compter le gigantesque Plan de relance – 100 milliards d’euros – lancé par le gouvernement pour le second semestre 2020 avec sa soixantaine d’aides supplémentaires. « Et d’autres doivent arriver au 1er janvier… Nous-mêmes, on ne connaît pas tout. »
Cette année, son cabinet est de toute façon surtout allé à l’essentiel. Sur ses 310 clients (plus 20 % cette année), 80 % de PME normandes, et de nombreux cas où l’enjeu est simplement la survie. « Des chefs d’entreprise et des commerçants nous appelaient en pleurs au premier confinement, je n’avais jamais vu ça. » Thibault Nivière s’adapte vite : « On a mis en place le dispositif “solidarité entreprise” : aucuns frais de gestion, juste un pourcentage en cas de réussite. Un client m’a dit qu’on était leur aide-soignante. »
Un deal record
Il y a quelques semaines, le cabinet Nivière a finalisé pour l’un de ses client la signature d’une subvention dans le cadre du Plan de relance pour la Normandie. Le Caillebotis Diamond, PME de Lisieux spécialisée dans la fabrication de passerelles métalliques, va ainsi toucher un million d’euros pour « moderniser son outil productif », soit financer une partie de sa nouvelle usine et embaucher une vingtaine de nouveaux employés. « Un montant record » en France, s’enorgueillit Thibault Nivière au terme de ce sprint de quelques semaines démarré en septembre.
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