« Les nouveaux élus se focalisent souvent sur les subventions déjà obtenues, c’est une erreur, assure Thibault Nivère, gérant de Nivière Subventions et Consulting. Lors d’une formation, un président d’interco se limitant au Fonds social européen (FSE) et au Fonds européen de développement régional (FEDER) a appris qu’il y avait… 436 subventions européennes possibles ».
L’Europe d’abord
Il faut donc débusquer des fonds insoupçonnés. Au niveau européen, « si pour le FSE et le FEDER, on sollicite la région, pour les trois quarts des subventions, il faut viser Bruxelles via les points de contact nationaux : le Ministère de l’environnement pour un projet Life+, Bordeaux ou Paris pour un projet jeunesse, sport et formation (1)… », conseille Thibault Nivière. Pour de l’immobilier, on peut financer jusqu’à 80 % de son projet avec Urban Innovative Action si on innove en environnement, en lien avec le numérique, le social ou l’économique, au-delà de la réglementation… Ainsi, le projet social d’agriculture urbaine des 5 Ponts à Nantes a-t-il bénéficié en 2016 de 5 millions d’euros (M€) de ce programme sur 8,5, soit 59 % d’aides. Pour être éligible au Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) via un programme Leader, une commune contactera sa préfecture pour intégrer un groupe d’action locale (GAL). Plus improbable encore un appel à projets Actions de communication grand public sur l’impact des financements des territoires : la CUD a ainsi obtenu 80 % de 200 000 euros.
Au niveau national, Thibault Nivière oriente vers les fonds gérés par les ministères, la Caisse des dépôts et consignations, les fondations d’entreprises (Total, Fondation Ford ou IBM pour le numérique…).
Scinder son projet en thématiques
Côté méthode, un travail de veille s’impose, chargé de mission recherche de subventions à l’appui, souvent au sein des intercommunalités, parfois au niveau des Agences techniques départementales ou des directions Europe des régions comme en Hauts-de-France. Il faut suivre chacun des financeurs (Europe, Etat, région, département, mécènes) et ses programmes. « L’idéal ? Etre associé à la définition des nouveaux programmes comme la région le fait pour le FSE et le FEDER ou comme espérons-le pour les futurs Contrats de plan Etat-région (CPER), cela permet aussi d’anticiper », note Hélène Deswarte, chef du service partenariats institutionnels à la Communauté urbaine de Dunkerque (CUD, 198 341 hab., Nord). « Dans nos contractualisations avec l’Etat, le FEDER, le Département, le GIP Haute-Marne, on tente de susciter l’intérêt sur nos projets », renchérit Audrey Breton-Raveneau, chargée de partenariats et subventions à la communauté d’agglomération de Saint-Dizier Der et Blaise (CASDDB, 44 787 hab., Haute-Marne et Marne).
Il faut connaître les appels à projet, dans un contexte de compétition accrue et « avec deux à quatre mois pour évaluer s’ils correspondent à nos projets », selon Marie de la Chapelle, chargée de mission mutualisée Partenariats et contractualisations à Nantes. Cette dernière explique suivre les comptes institutionnels sur les réseaux sociaux. Thibault Nivière conseille lui de « scinder son projet en plusieurs thématiques (emploi, formation, environnement, etc) : à chacune correspond un subventionneur ». De là à adapter les projets aux appels, c’est non pour nos interlocuteurs. « Cela peut toutefois accélérer un projet prévu », concède Marie de la Chapelle. Les projets doivent être suffisamment matures mais non commencés : « Pour la Dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), il faut avoir pris une délibération, pour d’autres aides non », observe Marie de la Chapelle. Attention aussi à ne pas se précipiter pour de trop petites aides.
La veille se fait aussi en réseau, de façon informelle ou avec le groupe de travail de France Urbaine, Partenariats et territoires, « qui permet d’échanger sur les financements, contractualisations et fonds européens », selon Hélène Deswarte et de « partager son expérience de montage d’un dossier à l’échelle européenne », selon Marie de la Chapelle.
Projets mutualisés très prisés
Les chargés de mission recherche de subventions accompagnent les services de leur intercommunalité, leurs communes comme à la CUD ou la ville-centre comme à la CASDDB. « On les aide à remplir un dossier en se mettant à la place du financeur : comment présenter son territoire, se différencier des autres métropoles, donner envie, être concret : à quoi ça sert, pourquoi on le fait, combien ça coûte, quand ça démarre, etc ? », explique Marie de la Chapelle. Audrey Breton-Raveneau, qui monte elle-même les dossiers, tente d’élaborer « un plan de financement fiable sans sur- ou sous-consommation, ce qui n’est ni bon pour nous ni pour les financeurs ». Il faut aussi gérer l’échec : « La concurrence était-elle trop forte ? Faut-il axer différemment ? », note Marie de la Chapelle.
Certains thèmes sont plus porteurs : transition écologique, mobilité durable, numérique, emploi, projets urbains innovants plus que culture, sport, tourisme ou un bâtiment lambda, à moins d’intégrer à ces derniers les premières dimensions. « Attention ! Les priorités diffèrent selon les financeurs », prévient Marie de la Chapelle. Pour la culture, on sollicitera sa Direction régionale des affaires culturelles. En outre, les projets mutualisés entre collectivités, entreprises, associations sont très prisés des financeurs : programme européen Horizon 2020 axé sur les défis sociétaux par exemple.
En moyenne 60 % du total
Y a-t-il des moments propices pour réussir ? « En fin ou début de mandat, la concurrence est réduite et l’instruction plus rapide », assure Thibault Nivière. Attention au télescopage avec les élections régionales et départementales : les changements d’exécutif entraînent un temps de latence. « Il faut aussi regarder les débuts de programmation (fonds européen, CPER…) et les fins avec parfois des queues de crédits, selon Hélène Deswarte. Sans oublier les plans de relance actuels (ndlr : Etat, régions, agences de l’eau, Leader…), avec de grosses enveloppes sur un temps court ». A condition que les projets soient mûrs.
Concernant les cumuls, « dans 90 % des cas, le 80 % maximum s’applique, estime Marie de la Chapelle. Mais si le projet concerne une compétence où une collectivité maître d’ouvrage est chef de file, son reste à charge est de 30 % (2). Dans le cas contraire (culture, sport…), c’est 20 %. Pour les monuments historiques (3), la réparation des dégâts de calamités publiques (4), ou certaines opérations politique de la ville/rénovation urbaine (5) on peut aller jusqu’à 100 % ». Attention aussi, les fonds d’Etat (6) ne se cumulent généralement pas.
Combien peut-ont obtenir au total ? « Environ 60 % aujourd’hui, contre 70 % il y a dix ans », assure Thibault Nivière. Certaines collectivités réalisent de « beaux coups ». A la CASDDB, l’agglo et la ville de Saint-Dizier ont obtenu 80 % chacune pour la réhabilitation d’un boulevard en Quartier politique de la ville qui a coûté au total 3 M€. Parmi 24 lauréats du Programme d’investissement d’avenir, le projet Dunkerque, l’énergie créative porté lui par la CUD et 76 partenaires obtiendra de l’Etat 9,9 M€ de subventions et 27,6 M€ d’investissement potentiel. Marie de la Chapelle tempère : « Je connais peu de projets (surtout à plusieurs millions d’euros) subventionnés à 60 %. Pour les appels à projets transports urbains (APTU), Nantes a obtenu pour ses lignes à bus à haut niveau de service 21 % de subventions (dont 74 % d’APTU) en 2010 sur un coût total de 67 M€ et 25 % (dont 56 % d’APTU) en 2013 sur un coût total de 23 M€ : ce sont de bons taux pour de tels montants ». Enfin, notons que la relation avec les cofinanceurs continue après l’obtention des subventions : « Il faut afficher les montants sur les panneaux de chantier, informer de l’état d’avancement des travaux, demander les avances en temps voulu, solder à la fin », observe Audrey Breton-Raveneau. A vous de jouer.
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